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  • “Aucun système n’est invulnérable” Gaël Musquet, hacker éthique et spécialiste de la cybersécurité

    “Aucun système n’est invulnérable” Gaël Musquet, hacker éthique et spécialiste de la cybersécurité

    Alors que les véhicules modernes, et plus encore les électriques, sont de plus en plus connectés, leur vulnérabilité aux cyberattaques ne cesse de croître. Gaël Musquet, hacker éthique et spécialiste de la cybersécurité, alerte sur les vulnérabilités de ces systèmes connectés depuis le Campus Cyber au cœur du quartier de La Défense, un lieu qui rassemble de nombreux acteurs de la cybersécurité. Et pour lui, aucune technologie n’est infaillible. Son mot d’ordre ? La résilience. Rencontre.

    Après-midi venteux dans le quartier de La Défense. Gaël Musquet, météorologue de formation, hacker éthique et accessoirement Chevalier de l’Ordre national du Mérite, nous reçoit dans son QG, le Campus Cyber, “lieu totem” rassemblant des centaines d’entreprises dédiées à la cybersécurité, dont il nous fait la visite avec ce qu’il appelle familièrement ses « jouets » dans les bras : des drones, tout un tas de câbles, des écrans et de circuits imprimés qu’il utilise et/ou fabrique depuis son lab. Le projet du moment ? Un rover pilotable à distance et capable d’accompagner des opérations militaires.

    Crédit : Mathis Miroux
    Crédit : Mathis Miroux

    Mais le plus gros jouet de Gaël Musquet, c’est sa voiture. Une Toyota C-HR hybride qui n’a, de l’extérieur, rien de différent du modèle de série. Baptisée « Red Pearl » (en référence à la couleur de la livrée et aux origines caribéennes de son propriétaire qui est donc techniquement… un pirate des Caraïbes), il s’agit pourtant d’une « show-car » hackée par Musquet lui-même, qu’il démonte et pirate en public lors de conférences et qui, d’une simple pression sur le régulateur de vitesse, se transforme en véhicule autonome à l’exception de la détection des péages et de quelques soucis à prendre les giratoires.

    Crédit : Mathis Miroux
    Crédit : Mathis Miroux

    Après avoir fait monter ECO MOTORS NEWS à bord pour une démonstration des possibilités quasi illimitées de l’hacking automobile — l’auto détecte mieux les angles morts et gère mieux son freinage que celui qui écrit ces lignes, pour être honnête — le hacker éthique prend le temps de se poser quelques minutes avec nous, le temps d’une interview. 

    Quels sont, selon vous, les principaux risques cyber auxquels les voitures électriques sont exposées aujourd’hui ?

    Gaël Musquet : Les véhicules électriques présentent cinq grandes surfaces d’attaque. La première est physique : ouverture, vol du véhicule, accès à l’habitacle, etc. La deuxième est radioélectrique : par exemple, les badges NFC ou les clés sans contact sont des cibles. Ensuite viennent les vulnérabilités électroniques, via les bus de données à bord. Une fois l’accès physique ou radio compromis, on peut agir via ces interfaces. Les deux dernières concernent les logiciels installés sur les calculateurs et ordinateurs de bord et les données produites ou reçues par le véhicule, comme les connexions aux sites internet ou aux services du constructeur. Tout cela constitue des portes d’entrée pour des cybercriminels.

    Vous avez hacké votre propre voiture que vous utilisez comme une « show-car » dans le cadre de vos activités. Pouvez-vous nous en parler ?

    Gaël Musquet : J’ai voulu montrer de manière concrète ces vulnérabilités. C’est important de ne pas rester dans des discours ou des normes abstraites. On parle de 140 000 vols de voiture en 2024 en France, soit une toutes les quatre minutes ! Donc j’ai créé une « show-car » qui, outre son aspect autonome, est surtout un cobaye que je peux démonter, tester, montrer. Elle me sert à illustrer des enjeux réels et à conseiller des clients et partenaires.

    Crédit : Mathis Miroux
    Crédit : Mathis Miroux

    Et tout ça est disponible en open source…

    G.M. : Absolument. Mon véhicule repose sur des logiciels et du matériel open source. L’idée est que tout ce que je démontre soit reproductible. Les logiciels libres permettent l’audit collectif du code, ce qui renforce la sécurité. Et ils garantissent aussi une certaine souveraineté technologique, puisqu’ils ne dépendent pas d’un acteur privé ou d’un État étranger.

    Dans vos travaux sur les infrastructures critiques, vous parlez souvent de résilience. À quel point le réseau de recharge est-il vulnérable aux cyberattaques ?

    G.M. : Aucun système n’est invulnérable. La vraie question, c’est : combien de temps l’attaquant mettra-t-il à le faire tomber ? Pour bâtir un réseau résilient, il faut de la diversité dans les solutions techniques et une culture de l’audit : tests de pénétration, revues de code, contribution de communautés open source (comme la fondation Linux ou le projet EVerest). Certains pays comme le Japon font déjà ce choix d’ouverture, ce qui rend leurs systèmes plus résilients.

    Crédit : Mathis Miroux
    Crédit : Mathis Miroux

    Justement, faut-il envisager cette “culture de l’audit” dans le secteur automobile, comme cela existe dans la banque ou l’énergie ?

    G.M. : Oui, c’est indispensable. Depuis deux ans, les constructeurs sont tenus d’intégrer la cybersécurité dès la conception des véhicules. Mais cela reste insuffisant. Il faut permettre aux hackers d’accéder aux véhicules pour les auditer et organiser des “bug bounties”, en récompensant ceux qui trouvent des failles. Et surtout, il faut penser à la maintenance cyber : faire évoluer les normes, les processus, les mises à jour, etc. Il nous faut des “crash-tests” cybersécurité comme on le fait pour la sécurité physique.

    Avec l’arrivée de la recharge bidirectionnelle (V2G), les voitures peuvent injecter de l’énergie dans le réseau. Est-ce une nouvelle porte d’entrée pour les cybermenaces ?

    G.M. : Oui, clairement. Ce n’est plus juste un échange de carburant, mais un échange de données et d’énergie. Cela implique aussi de nouveaux acteurs : fournisseurs d’énergie, opérateurs de paiement, gestionnaires de réseau. On touche à la stabilité du réseau électrique tout entier.

    Crédit : Mathis Miroux
    Crédit : Mathis Miroux

    En tant que consommateurs, que pouvons-nous faire pour nous protéger de ces attaques ?

    G.M. : Quelques gestes simples : fermer à clé son véhicule et, une fois à la maison, éloigner les clés de sa porte et de ses fenêtres, surtout si elles sont sans contact, appliquer les mises à jour logicielles du véhicule, comme on le fait pour un smartphone ; et protéger l’accès au véhicule en le stationnant dans des endroits surveillés, ou en utilisant des antivols mécaniques comme la canne bloque-volant. Ces mesures peuvent paraître anachroniques, mais elles restent efficaces pour retarder ou dissuader un attaquant.

    Êtes-vous optimiste concernant le développement de la cybersécurité automobile ?

    G.M. : Oui, profondément. Au Campus Cyber, je vois un écosystème actif, des échanges entre pairs, mais aussi avec des jeunes passionnés. D’ailleurs, j’en accueille huit en stage ce mois-ci ! L’industrie automobile a besoin d’être revalorisée auprès des jeunes. Les métiers techniques (mécaniciens, électrotechniciens, etc.) sont nobles et essentiels dans l’électromobilité. C’est à nous de leur transmettre cette passion. Il y a 60 000 postes à pourvoir dans la cyber aujourd’hui, ils seront indispensables demain.

    Crédit : Mathis Miroux
    Crédit : Mathis Miroux

    Vous évoquez souvent l’idée de “mettre les mains dans le cambouis”. C’est important dans votre approche ?

    G.M. : Tout à fait. Le côté manuel est parfois dévalorisé, mais on a besoin de gens qui touchent, testent, fabriquent, que ce soit du matériel ou du code. Mon métier, c’est 80 % d’humain et 20 % de technique. Comprendre les peurs, les besoins, les émotions, c’est ce qui permet de créer des solutions efficaces. Les technologies, seules, ne suffisent pas si on ne sait pas expliquer, accompagner et créer du sens.

  • Sungrow, un géant de l’énergie solaire qui réinvente la recharge rapide

    Sungrow, un géant de l’énergie solaire qui réinvente la recharge rapide

    À l’occasion du salon DriveToZero à la Porte de Versailles les 4 et 5 juin derniers, ECO MOTORS NEWS a eu l’opportunité de rencontrer Robert von Wahl, Directeur EV Charging Europe chez Sungrow, l’un des leaders mondiaux des énergies renouvelables qui, il y a une dizaine d’années, a décidé de mettre son savoir-faire au service de la recharge de véhicules électriques.

    Crédit : Sungrow - DriveToZero
    Crédit : Sungrow – DriveToZero

    La mobilité électrique, c’est bien entendu la partie hardware, avec les véhicules en eux-mêmes, la partie software avec les logiciels et technologies embarqués, mais aussi la recharge. Et, avec elle, son lot de problématiques à résoudre, que ce soit en termes d’énergie utilisée et de son stockage, de gestion de la puissance délivrée et de la surface occupée par les bornes dans les stations de recharge, les parkings, les dépôts de bus et de camions, etc. Autant d’axes de progression sur lesquels certaines entreprises ont déjà une longueur d’avance. C’est notamment le cas de Sungrow, géant chinois et leader mondial de la conversion de puissance qui a vu le jour en 1997 sur le marché des énergies renouvelables, en misant sur les onduleurs photovoltaïques (PV). Depuis le milieu des années 2010, devinant l’essor à venir de la mobilité électrique, le groupe a créé une branche dédiée à la recharge dont Robert von Wahl est le Directeur Europe. Ce dernier a pris le temps, lors du salon DriveToZero, de nous présenter la stratégie de l’entreprise, illustrant ainsi les défis actuels auxquels sont confrontés les acteurs du marché et quelles sont les réponses à apporter pour les relever.

    Une recharge “satellite”… sur le plancher des vaches !

    Afin de résoudre le problème du manque de place dans les stations de recharge, qu’elles soient publiques ou privées, tout en proposant une puissance permettant la recharge rapide. Sungrow a ainsi développé ce qu’elle appelle la “recharge satellite”, qui n’a rien à voir avec la conquête spatiale. En effet, comme l’explique Robert von Wahl, ces systèmes « permettent de dissocier la partie alimentation électrique du point de charge lui-même. Une seule armoire de puissance peut ainsi alimenter plusieurs bornes satellites réparties sur un site. » Une configuration qui s’avère particulièrement adaptée « aux dépôts de bus ou aux hubs logistiques où l’espace est restreint et où plusieurs véhicules doivent être rechargés simultanément », ajoute-t-il. Outre le gain de place, cette architecture réduit les coûts d’infrastructure, limite les connexions et offre une meilleure flexibilité pour adapter le réseau aux besoins évolutifs du parc de véhicules.

    Crédit : Sungrow - DriveToZero
    Crédit : Sungrow – DriveToZero

    Modularité et efficacité sont en effet indispensables aux entreprises qui ont un usage intensif de leurs bornes de recharge. Au catalogue de Sungrow, on trouve désormais plusieurs de ces chargeurs ultra-rapides qui peuvent répartir intelligemment la puissance de l’armoire de puissance (480 kW) entre plusieurs véhicules qui sont branchés simultanément. Ainsi, en prenant l’exemple d’un dépôt de camion, il est possible de délivrer moins d’énergie au véhicule dont on sait qu’il ne repartira pas avant le lendemain et, depuis la même borne, délivrer une énergie suffisante à un autre véhicule pour qu’il puisse repartir dans les deux heures qui viennent.

    ESS + PV + DC = avenir ? 

    Vous ne comprenez pas l’équation ? Pas de panique. Avant de rencontrer Sungrow sur le salon, c’était aussi très flou pour nous ! ESS, ce sont les solutions de stockage, PV, les onduleurs qui convertissent l’énergie solaire et DC, le courant continu, souvent utilisé pour désigner la recharge rapide. Et, selon Robert von Wahl, « en intégrant le stockage d’énergie, le photovoltaïque et la recharge DC, on obtient une solution complète de gestion énergétique » qui permet aux batteries de se charger en période creuse grâce au solaire, pour ensuite alimenter les véhicules lors des pics de demande. Une manière, toujours selon lui, « de réduire les coûts liés aux tarifs horaires du réseau, de soulager la charge sur le réseau, et de garantir une énergie verte, localement produite ». Si posséder le savoir-faire et l’expérience nécessaires pour proposer cette solution “tout-en-un” en interne, à l’image de ce que fait Sungrow, est encore peu répandu sur le marché, notre visite du salon DriveToZero nous a prouvé que de nombreuses startups et entreprises réfléchissent de plus en plus à cette approche plus globale.

    Défis européens

    L’Europe, même si elle est dans une belle dynamique, reste surtout marquée par des disparités régionales. « L’Europe progresse rapidement, mais il subsiste encore des déséquilibres notables entre les pays », constate ainsi Robert von Wahl. Selon lui, en France, des efforts ont été réalisés, essentiellement en milieu urbain, mais la densité des bornes rapides demeure insuffisante à l’échelle nationale sur les réseaux autoroutiers. La principale raison, constatée par de nombreux acteurs du secteur, est la capacité électrique disponible dans certaines zones, notamment commerciales. « Dans ces zones, la connexion au réseau est souvent limitée. Il est difficile d’alimenter plusieurs points de recharge ultra-rapide sans investissements conséquents », indique-t-il. Par ailleurs, la standardisation des protocoles et l’interopérabilité entre opérateurs restent des enjeux cruciaux. Sungrow, de son côté, y répond avec des solutions personnalisables et “intelligentes” compatibles avec de nombreux types de configurations, aussi bien géographiques que techniques, mais c’est un travail de terrain encore considérable.

    Crédit : SUNGROW HQ
    Crédit : SUNGROW HQ

    L’avantage du groupe chinois sur ses concurrents, c’est —outre 25 ans de leadership mondial dans la conversion d’énergie— l’expérience acquise dans son pays d’origine, en avance par rapport à l’Europe sur la question des infrastructures de recharge. « Nous ambitionnons de devenir un acteur clé de l’électrification des transports en Europe, affirme von Wahl, et pour ce faire, l’entreprise s’appuie sur des produits modulaires, adaptables aux standards locaux, et investit dans la R&D sur le sol européen ». En effet, l’entreprise a installé son département recherche et développement aux Pays-Bas, à Amsterdam, hub stratégique du développement de l’électromobilité sur le Vieux Continent.

    Cette stratégie s’accompagne de partenariats industriels avec des acteurs locaux, mais aussi avec des universités et des administrations afin de « simplifier le déploiement à grande échelle de l’infrastructure de recharge intelligente », conclut Robert von Wahl. En alliant énergie solaire, stockage intelligent et recharge ultra-rapide au sein d’une architecture complète et compacte, Sungrow se positionne donc comme un acteur central de la transition énergétique et si l’on en croit les nombreuses start-ups rencontrées sur le salon DriveToZero, cela pourrait bien devenir une référence dans les années à venir.

  • « La voiture, c’est une histoire d’usage » Jamy Gourmaud, journaliste scientifique

    « La voiture, c’est une histoire d’usage » Jamy Gourmaud, journaliste scientifique

    Il a marqué toute une génération avec C’est pas sorcier, et continue aujourd’hui de décrypter le monde qui nous entoure, avec la même passion. Depuis l’hôtel M Social, à Paris, Jamy Gourmaud a partagé avec ECO MOTORS NEWS sa vision de la voiture électrique, les idées reçues qui l’entourent, et les enjeux de cette transition.

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    Crédit : Philippe Matsas

    Qui êtes-vous, Jamy Gourmaud ?

    Jamy Gourmaud : Je suis journaliste, plus précisément journaliste
    scientifique
    . J’aime bien dire que je suis un passeur entre les sachants et ceux qui ont envie de savoir. Ma passion pour la connaissance est née très tôt, à l’adolescence, avec l’envie de faire ce métier. J’ai eu la chance de réaliser ce rêve d’enfant. La science, elle, est arrivée un peu plus tard, après mes études de journalisme et quelques années passées à couvrir des sujets de société. C’est pas sorcier a marqué le début de cette aventure scientifique.

    Que vous évoque la voiture électrique, et quelles sensations avez-vous eues en la testant ?

    Jamy Gourmaud : Le calme et le silence. C’est ce qui me vient d’abord à l’esprit, surtout en ville. Les détracteurs diront qu’elle fait autant de bruit qu’une autre, mais le bruit vient principalement du contact des pneus sur la route. J’ai eu l’occasion d’en tester plusieurs, déjà dans C’est pas sorcier il y a près de 30 ans, et plus récemment dans Le Monde de Jamy. J’aime sa souplesse, le fait de ne pas avoir à passer les vitesses. Ce n’est peut-être pas ce qui fait vibrer les amateurs de conduite, mais moi, ça me convient très bien.

    Pensez-vous que la voiture électrique est encore mal comprise ?

    Jamy Gourmaud : Je pense qu’il y a beaucoup d’idées reçues, et des peurs qui ne sont pas fondées. Le premier frein, c’est souvent la question de l’autonomie. On entend : “Je ne peux pas faire 1 000 km”, ou encore “Je vais devoir m’arrêter au bout de 300 km, et attendre une demi-heure pour recharger.” Ces inquiétudes viennent souvent d’une méconnaissance des usages réels.

    Qu’est-ce qu’il faudrait faire pour dépasser cette crainte de l’autonomie ?

    JG : Il faut d’abord se poser la question : “Quel usage ai-je de ma voiture ?” La mobilité, c’est une histoire d’usage. Si je fais surtout des trajets courts — comme c’est le cas de la majorité des déplacements quotidiens — une voiture électrique est amplement suffisante. En moyenne, un conducteur français ne fait qu’un à deux trajets de plus de 400 km par an, généralement lors des vacances.

    Et sur la question du temps de recharge ?

    JG : Il faut se dire que les batteries vont être vides au bout d’environ deux heures de conduite. Au bout de deux heures de conduite, il est conseillé de s’arrêter pour faire le plein. C’est ce que la sécurité routière conseille aux automobilistes : on fait une pause toutes les deux heures. Et si vous comptez le temps d’aller aux toilettes, de prendre un café, certains fumer une cigarette, les vingt minutes qui sont nécessaires pour faire le plein sont très vites passées.

    La pédagogie reste donc nécessaire ?

    JG : Oui, il faut expliquer, il faut que les gens testent. Avant d’essayer une voiture électrique, j’étais moi-même un peu dubitatif. Mais quand on a testé une voiture électrique, on l’adopte. Il faudrait permettre aux gens d’en tester une pendant un jour ou deux.

    Vous avez récemment publié une vidéo sur le sujet. Quel était votre objectif ?

    JG : Je voulais aborder les inquiétudes liées à l’autonomie, mais aussi l’incompréhension qui existe autour des distances annoncées par les constructeurs. Certains se plaignent en disant : « Mais sur l’autoroute, je ne fais pas plus de 250 km, alors que le constructeur affiche une autonomie de 450.” C’est tout simplement que le calcul de cette autonomie, c’est une moyenne entre la distance parcourue en ville, sur route et sur autoroute.

    Et sur l’empreinte carbone des véhicules électriques ?

    JG : Une idée reçue circule : que la voiture électrique pollue autant, voire plus qu’un véhicule thermique. C’est vrai qu’à la sortie d’usine, sa fabrication a généré plus de CO2. Mais la différence, c’est que cette dette carbone s’arrête là. Le véhicule thermique, lui, continue d’émettre pendant tout son cycle de vie. En fin de parcours, une voiture électrique peut produire entre deux et cinq fois moins de CO2 qu’une voiture thermique.

    Prêt à franchir le pas vous-même ?

    JG : Il se trouve que c’est en cours. Je veux d’abord aller au bout du cycle de vie de mon véhicule actuel. Et puis, c’est aussi une question de budget. Mais oui, je suis en train d’y passer.

  • Rétrofit électrique, le plaisir sans les problèmes

    Rétrofit électrique, le plaisir sans les problèmes

    Longtemps cantonné aux marges de l’électromobilité, le rétrofit électrique, qui désigne l’électrification de véhicules thermiques, séduit de plus en plus de particuliers et de professionnels. Arnaud Pigounides, fondateur de Retrofuture et pionnier du secteur en France, partage avec ECO MOTORS NEWS les défis techniques, économiques et réglementaires qui se cachent derrière l’élégance vintage des anciennes passées aux watts.

    « Le rétrofit, c’est garder le plaisir, mais en se débarrassant des problèmes. » C’est ainsi qu’Arnaud Pigounides résume le rétrofit électrique de véhicules anciens. Une formule qui incarne à merveille la philosophie de cet entrepreneur qui, depuis près de 10 ans et le lancement de Retrofuture, donne une seconde vie à des véhicules anciens en remplaçant leur moteur thermique par une motorisation 100 % électrique. À l’époque, la pratique n’était même pas encore encadrée légalement en France. Aujourd’hui, elle est régie par un cadre strict, fruit d’un long travail de sensibilisation et d’alliances industrielles. « J’ai été le premier à le faire en France, bien avant la reconnaissance officielle. Ça a ses avantages… et ses inconvénients », sourit celui qui a aujourd’hui élargi son activité en créant le groupe REV Mobilities, dont les activités concernent également le rétrofit de bus, utilitaires et véhicules de chantier.

    Le rétrofit électrique d’anciennes, pour quels profils ?

    Arnaud Pigounides ressort trois principaux types de clients pour le rétrofit de voitures anciennes. D’abord, les passionnés fortunés, souvent collectionneurs, qui souhaitent profiter de leur véhicule de prestige sans les contraintes mécaniques et environnementales du thermique. « Il y a ceux qui veulent rouler au quotidien avec une Aston Martin ou une Rolls rétrofitée. Ce sont souvent des CSP+, des banquiers, des cadres, qui ont aussi la version thermique dans leur garage. » Ensuite, il y a les professionnels. Et pas seulement pour les bus et utilitaires récents. En effet, les loueurs de véhicules vintage, qui servent lors d’événements en public, cherchent un look rétro tout en pouvant compter sur un véhicule fiable, économique et conforme aux zones à faibles émissions (ZFE). « On a par exemple un client qui a transformé un vieux Combi Volkswagen en tireuse à bière électrique pour les mariages et festivals. C’est économique, fiable, et ça rentre dans Paris. » Enfin, l’entrepreneur voit un nouveau public émerger : des particuliers convaincus que le rétrofit électrique est plus pertinent — économiquement et écologiquement — que l’achat d’un véhicule neuf. « Certains préfèrent rétrofiter une Fiat 500 ou un Defender pour 20 000 à 30 000 euros plutôt que d’investir dans une citadine électrique parfois plus chère et bardée d’électronique, qu’ils considèrent inutile. »

    Une démocratisation à petits pas

    Malgré son potentiel, le rétrofit reste aujourd’hui une filière de niche. Le principal obstacle à son expansion à grande échelle ? La rapidité d’exécution. On ne rétrofite pas sa voiture comme on change des pneus, il faut parfois attendre six voire neuf mois. Derrière cette difficulté, on trouve le nerf de la guerre : l’argent. « On ne peut pas stocker des kits d’avance dans chaque garage. Un stock de 1000 kits à 20 000 euros pièce, c’est 20 millions d’euros immobilisés. Aucun acteur français n’a encore cette capacité. » Surtout lorsque l’immense majorité des clients fait appel à un tiers pour financer son achat à crédit. Pour le moment, donc, la trésorerie dans les caisses des rétrofiteurs ne leur permet pas de faire plus vite.

    Autre frein : l’homologation. Chaque kit doit être certifié pour un modèle spécifique. « Même entre un Citroën Jumper et un Renault Master, on ne peut pas réutiliser exactement les mêmes batteries. Trois centimètres d’écart dans le châssis et tout change. » Résultat : seuls quelques modèles, choisis par chaque rétrofiteur en fonction de ses fournisseurs, sont aujourd’hui disponibles.

    Mais peut-on imaginer un jour un kit universel, adapté à n’importe quel modèle ? Des batteries modulaires et des moteurs adaptables sont à l’étude, mais la standardisation à 100 %, il faut oublier : « Une 2CV ne pourra pas embarquer un moteur de 200 chevaux. Il faut respecter la structure et le poids du véhicule. »

    Une harmonisation européenne, pour laquelle Arnaud Pigounides et ses confrères se battent actuellement, pourrait, elle aussi, changer grandement la donne. « Aujourd’hui, une Fiat 500 achetée au Portugal, rétrofitée en France, n’est homologuée que pour la France. C’est absurde. En 2026, on aura une réglementation commune, au moins pour les utilitaires et les poids lourds. Ça ouvrira le marché. Puis, on espère que cela sera étendu à tous les véhicules. »

    Il reste également une dernière difficulté, mais qui est avant tout la garantie pour le client d’acheter un véhicule qui va tenir la route et ne sera pas un gouffre financier : la garantie décennale. Puis, contrairement à certains rétrofiteurs étrangers qui installent des batteries d’occasion et des moteurs de véhicules accidentés, en France, il s’agit de batteries neuves fabriquées à la demande et de moteurs spécialement conçus pour le rétrofit électrique. Pas de bricolage, c’est rassurant, mais c’est aussi un frein de plus à un développement rapide à grande échelle en Europe.

    La revanche des mal aimées, sans l’odeur de l’essence

    Le rétrofit, c’est également l’occasion de redonner à des voitures injustement mises au banc de l’histoire de reprendre du poil de la bête et de se payer une seconde jeunesse. Ainsi, chez Rétrofuture, on mise sur des modèles oubliés des années 80 et 90. « Il y a énormément de demandes pour des Jaguar XJ, même des Rolls-Royce des années 90. Ces voitures étaient décriées à cause de leur moteur et leur cote est relativement faible, mais une fois électrifiées, elles deviennent désirables, fiables et uniques. »

    Idem pour les petits cabriolets qui, à de très rares exceptions, sont aujourd’hui boudés par les constructeurs, qui préfèrent sortir SUV sur SUV. En rétrofitant des MGB ou des Triumph Spitfire, c’est tout un style de vie et une philosophie de conduite qui refont ainsi surface.

    Alors, le rétrofit est-il une solution viable ? À en croire Arnaud Pigounides, la réponse est oui à condition d’en comprendre les limites et le potentiel. Le rétrofit ne remplacera pas la production de masse des constructeurs, mais il offre une alternative crédible pour des usages précis, des populations ciblées, et surtout une mobilité plus raisonnée. « Le trajet moyen quotidien d’un Français, c’est 20 km. Nos clients ne cherchent pas à faire le tour de France. Alors pourquoi acheter un véhicule neuf qui ne vous plaît pas, quand vous pouvez avoir une voiture qui a de la gueule, électrique, fiable et sans odeur d’essence ? » Une manière, en somme, de réconcilier passé et avenir sur quatre roues.

  • Bateaux électriques : quand la plaisance se fait plus douce

    Bateaux électriques : quand la plaisance se fait plus douce

    Silencieux et propres, les bateaux électriques représentent sans conteste l’avenir de la plaisance. Mais s’ils incarnent une nouvelle manière de naviguer, leur développement à grande échelle se heurte encore à de nombreux obstacles.

    Crédit : beneteau

    Selon des études menées par Data Bridge Market Research et Mordor Intelligence, le marché mondial des bateaux électriques devrait croître de 11,2 % à 12,65 % par an d’ici à la fin de la décennie. Une dynamique mondiale qui se reflète également en France, notamment à Paris, où les célèbres Vedettes ont récemment entamé leur transition énergétique. Mais malgré ces promesses, la plaisance — si l’on compare sa transition à celle de l’automobile semble encore rester à quai. L’Association Française pour le Bateau Électrique (AFBE) et AKWA Experience, qui propose la location de bateaux électriques dans la capitale, dressent pour ECO MOTORS NEWS un état des lieux du bateau électrique dans l’Hexagone, entre réalisme et optimisme.

    Des bateaux encore trop coûteux et des infrastructures faméliques

    « C’est une industrie de petite série, ce qui rend la transition énergétique bien plus complexe et coûteuse », explique Yannick Wileveau, président de l’AFBE. À l’instar des voitures, les bateaux électriques souffrent encore d’un surcoût important lié à la motorisation et aux batteries, auquel s’ajoute un aspect « sur mesure » qui alourdit encore un peu plus la facture.

    En effet, l’un des freins majeurs à la transition énergétique de la navigation de plaisance reste le prix des bateaux électriques. Pour y répondre, l’AFBE promeut des modèles de copropriété ou d’abonnement à des clubs nautiques. « Partager un bateau permet de rentabiliser l’investissement initial, tout en réduisant le besoin en emplacements portuaires », souligne Brusset.

    De quoi bousculer les habitudes des propriétaires de bateaux. Et ce n’est pas la seule chose qu’il faudra changer ! En effet, selon Christophe Brusset, secrétaire général de l’AFBE, l’enjeu n’est pas uniquement technique : « Passer à l’électrique, c’est aussi changer sa manière de naviguer. Moins de vitesse, plus de calme, et une attention particulière portée à l’environnement. » Un aspect environnemental qui concerne le « zéro émission », mais également la préservation de la faune et de la flore aquatiques.

    Autre levier pour convaincre les propriétaires de bateaux de passer à l’électrique : le développement des infrastructures de recharge, encore largement insuffisantes. Et c’est un cercle vicieux, car peu de bateaux, cela signifie peu d’infrastructures, et peu d’infrastructures, cela signifie moins de bateaux. Ainsi, à l’image de ce qui a été fait pour l’automobile, qui était dans la même situation il y a quelques années, il est nécessaire, selon l’AFBE, que les collectivités locales, l’État et l’Europe, à travers des subventions et des avantages fiscaux, encouragent d’un côté l’achat de bateaux électriques, et de l’autre l’installation de bornes de recharge.

    Crédit : RIva

    À Paris, une expérience qui séduit

    On l’a compris : le développement du bateau électrique passera par un changement de philosophie des utilisateurs. Et c’est à cette évolution des mentalités qu’AKWA Experience travaille depuis le canal de l’Ourcq, dans le 19e arrondissement de Paris. Sa flotte, composée de bateaux 100 % électriques et sans permis, connaît un grand succès. « Nos clients parlent souvent d’un moment magique, hors du temps. Ils redécouvrent Paris sous un autre angle, au cœur de la ville, mais loin de son tumulte », raconte Rodrigue Faleme, directeur général de l’entreprise.

    Proposant des tarifs adaptés aux jeunes, retraités, habitants du quartier ou personnes en situation de précarité, AKWA Experience annonce la couleur : « Notre objectif est clair : démocratiser la navigation électrique et sensibiliser à la protection du patrimoine fluvial. » Ainsi, l’entreprise organise régulièrement des événements sur sa base, notamment le nettoyage du canal.

    Crédit : Akwa

    L’optimisme comme cap

    Si l’on constate encore de nombreux obstacles à l’accélération de l’électrification de la plaisance, la dynamique est tout de même bien enclenchée. Pour preuve, l’arrivée de modèles 100 % électriques et hybrides au catalogue des grandes marques du nautisme, à l’image du Four Winns H2e de Bénéteau et du Riva El-Iseo. « Ce sont ces modèles, pensés dès la conception pour l’électrique, qui feront décoller le marché dans les années à venir », prévoit Yannick Wileveau.

    En attendant, des pionniers comme AKWA Experience, mais aussi leurs concurrents à Paris ou ailleurs, tracent la voie et participent activement à changer les mentalités. D’ici à 2035, l’AFBE pense même que la plaisance électrique pourrait bien ne plus être l’exception, mais la norme. En attendant, c’est déjà un bel aperçu de ce que pourrait être une navigation silencieuse et moins polluante… et ça fait du bien !

    Et la mer dans tout ça ?

    Si la navigation électrique fluviale gagne du terrain, elle commence aussi à se frayer un chemin en mer. Plusieurs chantiers navals développent désormais des catamarans ou des vedettes côtières à propulsion électrique, parfois hybrides, adaptés à des sorties en mer courte distance. L’autonomie reste encore limitée par la capacité des batteries, mais des innovations comme la recharge solaire ou l’hydroélectricité offrent de nouvelles perspectives. Dans les zones littorales sensibles, comme les réserves marines, les bateaux électriques permettent de préserver les écosystèmes. En Scandinavie, des ferrys électriques se développent depuis 10 ans, notamment l’MV Ampere en Norvège, premier ferry 100 % électrique au monde, lancé en 2015.



  • L’électromobilité selon Jamy !

    L’électromobilité selon Jamy !

    De “C’est pas sorcier” à l’exploration des mobilités de demain, Jamy Gourmaud nous embarque dans un échange passionnant. Il revient sur son parcours de journaliste, sa manière unique de rendre la science vivante, et partage son regard curieux – mais lucide – sur l’électromobilité. Une conversation à la fois personnelle et pédagogique, fidèle à l’esprit qu’on lui connaît : simple, clair, accessible… et surtout captivant.