Alors que l’industrie automobile vit l’une des plus grandes transformations de son histoire, portée par les réglementations environnementales, Jaguar Land Rover (JLR) dessine une trajectoire électrisée tout en conservant son ADN.
Dans un entretien exclusif, le responsable Press & PR France de JLR, Léo Lubrano, nous a livré la vision, les dilemmes et les ambitions du groupe britannique.

JLR, une marque de luxe complète
Né en 2013 de l’union de deux icônes de l’automobile britannique, Jaguar et Land Rover (JLR) s’est construit sur un héritage de luxe et de prestige automobile.
Jaguar représente l’élégance, la sportivité et les performances motorisées d’exception, tandis que Land Rover, maison mère de Range Rover, Defender et Discovery, incarne la robustesse, l’aventure et un savoir-faire tout-terrain mondialement reconnu, devenant au fil des décennies synonyme de raffinement et de confort absolu.
« L’objectif du groupe, c’est vraiment de créer un univers pour chaque marque. Elles ont chacune leur propre univers, toujours guidé par des ambitions fortes de robustesse, d’élégance et de pureté des lignes, afin de viser le segment luxe du secteur automobile. »
En effet, Jaguar incarne désormais un luxe moderne et assumé, guidé par la logique du « copy nothing » (des véhicules qu’on ne voit nulle part ailleurs et qui cassent les codes). Elle se renouvelle entièrement avec une gamme 100 % électrique.
Chez Range Rover, « on cultive vraiment le côté luxe, l’élégance, le charisme, et la pureté des lignes. Et pour ça, on explore l’univers alpin, l’univers nautique et le design. »
« Defender porte quant à elle les valeurs de robustesse, le côté baroudeur, l’aventure. On met plus en avant ce qu’on appelle le top luxury. Ça reste toujours une marque du groupe JLR mais cette fois-ci, elle se développe autour des adjectifs qui ont fait la réputation de la marque : le dépassement de soi et le franchissement. »
Enfin, Discovery conserve son rôle de SUV familial haut de gamme, polyvalent et tourné vers le voyage.
Une vision à long terme
Dans le souci de répondre aux normes européennes en termes d’électrification des flottes de véhicules, le groupe britannique a dû s’adapter et transformer ses modèles. La première marque du groupe à devenir une marque 100 % électrique est Jaguar : « Si notre objectif est d’aborder ce changement tout en douceur, avec Jaguar ça s’est fait de manière beaucoup plus radicale. On a décidé de relancer la marque en produisant des véhicules uniquement équipés de moteurs électriques dès l’année 2026. »
Jaguar change donc totalement de vision, incarnée par la Jaguar Type 00 qui sera le symbole du renouveau de la marque. « Il servira de modèle pour les prochains véhicules qui sortiront, le premier en date sera le GT Coupé 4 portes 100 % électrique. »

Pour les autres marques du groupe JLR, le changement arrive par étapes : « Mis à part Jaguar, le premier véhicule zéro émission sera le Range Rover 100 % électrique qui va sortir courant 2026. Et ensuite la gamme VE va suivre petit à petit pour toutes les marques. »
Une politique progressive et claire pour ce groupe aux ambitions bien tracées : « L’objectif pour le groupe est d’atteindre zéro émission carbone pour l’ensemble des activités d’ici à 2039, y compris la production. Cette transition de fond en comble passe donc par notre capacité à augmenter notre production en électricité, des premiers projets solaires, qui ont débuté sur les centres de production JLR, à Gaydon, à Haywood et à Wolverhampton. Mais surtout nous conservons notre force de production en réhabilitant nos usines. »
Comme l’explique M. Lubrano, la volonté de JLR n’est pas de rendre cette transition brutale, mais de prendre le temps de produire des véhicules ultra-luxueux : « On doit s’adapter aux lois en termes d’électrification des flottes, mais notre objectif est de produire des voitures efficientes parce que l’une des caractéristiques premières de nos véhicules, que ce soit pour Defender, pour Range Rover, pour Discovery ou pour Jaguar, c’est de faire des véhicules ultra-performants. »
Au-delà de l’aspect performance, un autre trait de personnalité fort de la marque, c’est le confort que l’on retrouve notamment chez Range Rover ; et avec l’entrée en gamme de véhicules 100 % électriques, ce confort ne sera que plus grand : « Cette électrification va aller dans le sens du confort supplémentaire. Donc pour nous, le message de transition envers les habitués de la marque, il est facile à délivrer. Tous ces faits font que l’on n’a rien à renier, bien au contraire. Le passage à l’électrique, ça va être un vrai avantage pour Range Rover. On va pouvoir aller encore plus loin dans la création de ce cocon, ce véritable salon roulant. »
Un scepticisme vite oublié
Le passage à l’électrique, c’est tout un écosystème qui est bouleversé. Si les constructeurs doivent s’adapter, c’est aussi le cas pour les clients et les consommateurs — un changement qui aurait pu les contrarier.
En effet, le groupe JLR est le regroupement de plusieurs marques iconiques de l’automobile mondiale. Jaguar, marque centenaire qui a construit sa réputation de motoriste avec les 24 Heures du Mans, entre autres, fait face à un vrai enjeu de maintien de la confiance des fans de la marque.
« L’annonce du 100 % électrique a été accueillie avec un peu de scepticisme, mais c’est normal parce que le changement a été radical. Le lancement de la Type 00 en début d’année Place Vendôme à Paris nous a permis d’inviter des clients fidèles et des journalistes afin d’expliquer pourquoi et comment on en est arrivés là et pourquoi on a réussi à créer ce véhicule. Si les gens étaient sceptiques, après avoir entendu les raisons de ce changement, ils étaient complètement unanimes sur le fait que c’est un véhicule spectaculaire qui casse les codes, mais qui est fidèle à la philosophie de Jaguar et de son fondateur William Lyons. »

Pour les autres véhicules du groupe, si la transition vers le 100 % électrique n’est pas encore faite, Léo Lubrano n’est pas inquiet quant à l’accueil réservé par leurs publics. Pour lui, elle va se faire très naturellement « parce que l’une des caractéristiques de la marque, c’est le confort et le côté salon roulant, ça va être assez simple de bâtir autour de ça ». Il le sait néanmoins : « C’est un processus long, je suis persuadé que cette transition va prendre quelques années, c’est normal. »
Des objectifs de vente revus
Ce changement de ligne de conduite entraîne une refonte des objectifs de vente de la marque britannique. « Depuis quelques années, il y a eu une croissance, donc évidemment l’objectif est de continuer sur cette lancée. L’année 2025 est pour le moment un peu particulière pour le secteur de l’automobile de luxe. »
En effet, le contexte économique global (ralentissement économique, inflation élevée et taux d’intérêt importants) repousse les achats des clients du luxe, une situation tendue pour ce secteur qui n’est pas immunisé.
Pour le groupe JLR, plusieurs éléments ne permettent pas d’établir des conclusions quant aux chiffres de ventes : « À ce contexte national et international, est venu s’ajouter un cyberincident que nous avons subi en septembre, les chaînes de production ont été interrompues. Évidemment, ça a impacté directement les ventes, donc pour nous, c’est difficile d’en tirer des résultats de ventes interprétables. »
Malgré ces difficultés rencontrées par l’entièreté du secteur automobile, Jaguar Land Rover explique que les ambitions de ventes ont été repensées au vu de la volonté claire de la marque de s’implanter sur le segment luxe du secteur :
« Depuis le lancement de la stratégie Réimagine, le volume de production a été, au commencement surtout, revu à la baisse dans l’idée d’opérer une montée en gamme. Nos véhicules ont gagné en qualité, avec des matériaux plus purs et des équipements toujours plus performants ; à l’inverse, le volume de production a légèrement baissé pour s’extraire du segment des véhicules premium et se rapprocher de l’univers du luxe. »
« Pour l’an à venir, on sait que ça va être une année de transition. Les ventes vont suivre grâce à nos modèles iconiques qui ont un grand succès. Une des caractéristiques fortes du groupe, c’est la résilience et, quand on se réfère aux événements passés, on arrive toujours à générer de la croissance. Le vrai luxe, c’est de durer dans un monde qui change. »































