
L’émirat de Dubaï s’affirme comme un acteur régional important de l’électromobilité au Moyen-Orient. Soutenu par une stratégie politique volontaire et un déploiement rapide des infrastructures, Dubaï tente de tracer sa route vers la neutralité carbone d’ici 2050. Mais cette transition se heurte aux défis du climat désertique et à un marché encore dominé par les véhicules thermiques.
Une ambition politique claire
Dubaï s’inscrit dans la stratégie globale des Émirats arabes unis, la « Clean Energy Strategy 2050 », visant la neutralité carbone d’ici 2050. En ce sens, les autorités gouvernementales, principalement Dubai Electricity and Water Authority (DEWA) et Roads and Transport Authority (RTA), ont lancé la « Green Mobility Strategy 2030 » dès 2015 avec le programme « EV Green Charger ».
L’objectif annoncé est clair : adopter une mobilité plus propre sur les transports privés et publics. La RTA vise l’élimination complète des émissions de son réseau de transport d’ici 2050, incluant la conversion progressive des bus, taxis et flottes publiques vers l’électrique ou l’hydrogène. Un engagement politique fort qui place la ville surnommée « Tigre du Golfe » parmi les territoires les plus influents du Golfe en termes d’électromobilité.
Une flotte en forte croissance
À Dubaï, le nombre de véhicules électriques ne cesse d’augmenter. En effet, fin 2022, Dubaï comptait 15 100 véhicules électriques. Fin 2023, ce nombre avait grimpé à 25 929 véhicules, soit une hausse de 72 % en un an. Fin du 1er semestre 2025, Dubaï compterait plus de 40600 VE sur un parc global de ~2,5millions de véhicules. Des chiffres en hausse certes mais qui paraissent faibles lorsque l’on
sait que 484 223 véhicules (tout type confondu) ont été immatriculés à Dubaï au cours de l’année 2024, selon le décompte du Ministry of Interior UAE.
Cette croissance rapide témoigne d’un marché qui s’oriente nettement vers l’électrique, porté par les politiques publiques, l’infrastructure et un intérêt croissant des usagers. Les Émirats arabes unis dans leur ensemble ne se cantonnent pas aux véhicules 100 % électriques : plus de 147 000 véhicules
électrifiés ont été recensés en 2023, un chiffre évolutif à la hausse également.
Une étude de PwC Middle East indique que les véhicules électriques représenteront 15 % des ventes neuves aux Émirats d’ici 2030, et 25 % d’ici 2035. Pour Dubaï, l’objectif est d’atteindre 42 000 voitures électriques d’ici 2030. Une volonté ambitieuse, certes, mais le marché affiche un fort taux de croissance
annuel : +30 % entre 2022 et 2028.
Tesla domine, les Chinois arrivent
Comme partout dans le monde, les géants constructeurs de VE se livrent bataille pour vendre le plus de voitures. À ce petit jeu, Tesla règne encore en maître avec 43 % des parts de marché des véhicules électriques aux Émirats début 2025. Le Model Y conserve sa première place à Dubaï.

Mais comme partout, la concurrence chinoise monte en puissance. BYD, Geely, Chery, MG, Jetour, Nio et Haval se sont implantés dans le pays du Golfe avec la même ambition : proposer aux automobilistes des modèles accessibles. Et ça marche : les recherches sur internet pour les véhicules électriques chinois ont augmenté de 64 %. Pour l’exemple, le leader mondial BYD propose l’Atto 3, un SUV compact à partir de 149 900 dirhams (environ 37 000 €), et le Seal. Ces modèles s’adaptent au climat désertique avec une meilleure gestion thermique, les menus sont adaptés et délivrés en arabe et ils proposent, comme toujours, une autonomie compétitive.
Un réseau de recharge en plein essor
Évidemment, qui dit objectif zéro émission et donc augmentation du parc automobile bas carbone, dit infrastructure de recharge. En ce sens, le programme EV Green Charger (première infrastructure publique de recharge pour véhicules électriques à Dubaï) a été lancé en 2015. S’il comptait 14 utilisateurs à ses débuts, et peu de bornes, en 2025, on référait 1270 bornes EV Green Charger disponibles à Dubaï fin 2025. L’objectif à l’année 2030 est de 10 000 bornes publiques.
DEWA, l’organisme qui gère et déploie le programme EV Green Charger à Dubaï, propose des tarifs attractifs pour inciter la population à se convertir à l’électrique. En effet, l’organisation gouvernementale propose un tarif de recharge de 29 fils par kilowatt-heure (0,075 €), mais également la mise en pratique de recharges gratuites pour encourager l’adoption.
Le géant américain TESLA est également présent avec son réseau Supercharger, qui compte plus de 20 stations dans les Émirats.
La conversion des transports publics
Si les particuliers adoptent progressivement l’électrique, la RTA se prépare à convertir ses flottes publiques, un défi technique majeur dans le désert. C’est pourquoi en juin 2025, la RTA a signé un accord de 1,1 milliard de dirhams (270 millions d’euros) pour l’achat de 637 nouveaux bus, dont 40 bus 100 % électriques, devant la plus grande commande jamais passée aux Émirats.
Ces bus chinois de la marque Zhongtong sont conçus pour les conditions du Golfe et seront livrés entre fin 2025 et début 2026. Des bus responsablement produits puisqu’ils respectent les normes européennes « Euro 6 ». Cet achat grandiose n’est pas un saut dans l’inconnu, puisqu’en avril 2025, la même organisation (RTA) avait lancé le test d’un bus Volvo. Disposant d’une batterie de 470 kWh offrant 370 kilomètres d’autonomie, il a convaincu les autorités locales que l’électromobilité est adaptée à tout type de mobilité.
Un défi technique majeur : le climat
Les pays du Golfe sont soumis à des températures élevées l’été, avec parfois plus de 45 °C recensés. On le sait, ces conditions dures mettent à l’épreuve les batteries lithium-ion. La gestion thermique est cruciale pour éviter une dégradation prématurée ou une baisse d’autonomie, qui pourrait décourager les automobilistes. En effet, les tests montrent que certains véhicules perdent 10 % d’autonomie en chaleur extrême. Même si les solutions peinent à arriver concrètement, des constructeurs mettent un point d’honneur à permettre aux conducteurs du monde entier de passer à un moyen de locomotion à quatre roues plus propre. C’est le cas, par exemple, de BYD, qui avec sa batterie Blade permet de limiter cette perte à 5 %.

Dans les années futures, les batteries à électrolyte solide (Solid-State) devraient se démocratiser. Elles sont résistantes aux températures élevées et plus stables chimiquement, mais leur production est limitée et promises aux EV haut de gamme dans les 5 prochaines années.
Pour les bus électriques, la climatisation continue consomme beaucoup d’énergie.La RTA teste donc chaque modèle et privilégie les véhicules les plus résistants.
Des incitations attractives
Dans l’ambition de viser la neutralité carbone d’ici 2050, le gouvernement de Dubaï a mis en place plusieurs incitations :
- Stationnement gratuit : les propriétaires de véhicules électriques bénéficient de
places de stationnement gratuites dans de nombreuses zones publiques. - Exemption de frais : réduction des frais d’immatriculation et exemption de
péages sur certaines routes. - Recharge subventionnée : tarifs de recharge contrôlés et périodes de recharge
gratuite. - Voies prioritaires : accès à des voies réservées pour faciliter la circulation.
Ces mesures, combinées à un mix électrique relativement propre, alimenté en grande partie par les importations des pays voisins et une part croissante d’énergies renouvelables locales, permettent aux véhicules électriques de présenter une empreinte carbone bien inférieure à la moyenne régionale.
Une industrie locale naissante
Du côté de l’industrie locale, M Glory Holding Group a lancé en 2022 ce qui est présenté comme la première usine de production de véhicules électriques aux Émirats, située à Dubai Industrial City. L’usine affiche une capacité ambitieuse : jusqu’à 55 000 véhicules électriques par an. Des chiffres réjouissants pour Dubaï, même si dans les faits, c’est moins évident, car depuis 2023, aucune donnée publique sur les chiffres de production, de vente, etc., n’est sortie de l’entreprise.
Au niveau des infrastructures de recharge, des entreprises locales se développent. UAEV, une société d’infrastructures EV, a obtenu en octobre 2024 sa licence d’exploitant indépendant de bornes de recharge à Dubaï, lui donnant le droit d’exploiter des bornes publiques de façon autonome. Depuis, l’entreprise est pleinement active et collabore avec plusieurs entreprises et collectivités locales.

Des distributeurs majeurs comme Al-Futtaim jouent un rôle clé dans la distribution de marques comme BYD, Tesla et d’autres constructeurs internationaux, contribuant à la démocratisation de l’électrique dans l’émirat.
Mais si quelques acteurs locaux se développent pour accompagner cette transition, le marché reste largement dominé par des distributeurs et importateurs internationaux. Le rôle des entreprises locales reste limité, plus orienté vers l’assemblage et la mise en place d’infrastructures que vers la production massive
de modèles électriques.
Les défis à relever
Malgré des progrès rapides de l’écosystème de la mobilité électrifiée, plusieurs obstacles subsistent :
- La part encore réduite des véhicules électriques : malgré une croissance forte,
les véhicules électriques représentent encore une part minoritaire du parc
automobile total de l’émirat. Le chemin vers la maturité de l’électromobilité reste
long. - Le coût d’achat : même avec les incitations, les véhicules électriques restent plus chers que leurs équivalents thermiques, limitant l’accès à ces véhicules, même les plus abordables.
- L’usure accélérée des batteries : le climat chaud accélère la dégradation des batteries, réduisant leur durée de vie et augmentant les coûts de maintenance.
- La dépendance à une infrastructure robuste : l’expansion continue du réseau de recharge reste essentielle pour lever les freins à l’adoption, notamment pour les
longs trajets et les déplacements interurbains.
Un territoire qui prend son envol
Dubaï n’est plus au stade de l’expérimentation. La ville se positionne comme un fer de lance de la mobilité décarbonée dans le Golfe grâce à une stratégie
volontariste, un déploiement rapide des infrastructures et une adoption croissante, bien qu’encore trop légère.
Pourtant, la ville travaille à cette transition : les incitations, la conversion des flottes publiques et la planification vers 2050 sont des leviers essentiels pour démocratiser ce moyen de locomotion.
Dubaï représente un lieu fertile pour l’électromobilité : fort potentiel de croissance, soutien politique et besoin d’innovations pour adapter l’électromobilité au contexte local. Malgré les difficultés naturelles liées aux conditions climatiques notamment,
la trajectoire est tracée.

